La libération de Malaucène (4)

À la fin des années 1990, j’ai voulu avoir accès aux dossiers des Archives départementales sur cette

période plus que troublée. Mais, ne désespérez pas, d’autres Malaucéniens attendent !


Premier problème : il fallait demander l’autorisation au Ministère à Paris. Ce que je fis. Six à huit mois plus

tard, je reçus le laisser-passer qui était plutôt un laisser-lire. Un an plus tard, Jospin fit voter une loi pour donner

un accès libre à ces archives. Libre à vous d’aller contrôler ce qui est ci-dessous.


Deuxième problème : des amis qui s’intéressaient au même sujet depuis plus longtemps que moi me signalèrent

qu’à la Libération de nombreux dossiers furent brûlés. Au hasard ? Je ne crois pas ! Mais, alors pourquoi

ceux que j’ai pu lire ne l’ont pas été ? Je ne sais pas !

Ce qui est certain, c’est qu’en lisant entre les lignes des rapports des Renseignements généraux ou de la

gendarmerie et de la police, on sent bien de quel côté penchent les sentiments du rédacteur. On se rend

compte que tout n’est pas noir ou blanc. Par exemple, les services officiels de l’État (gendarmerie et police)

voient souvent d’un très mauvais œil l’installation des polices parallèles de Vichy.

Enfin, plus on approche de la fin de la guerre, moins les rapports de ces services sont marqués par la langue

de bois. La preuve, ce préfet qui fut destitué par Vichy, on ne sait trop pourquoi...


Je viens de retrouver mes notes. Je vous les livre telles quelles, brut de décoffrage.

Jacques Galas

5 septembre 2014



Un peu plus de détails

Intermède : immersion dans d'anciennes notes provenant des Archives départementales de Vaucluse

DES RAPPORTS QUI ONT DÛ ÊTRE BRÛLANTS ! (IV)
Avant toute chose, vous méritez une explication. La
raison principale pour laquelle j’ai voulu aller aux Archives
est très personnelle. Je voulais aller sur la piste de ma famille avignonnaise, notamment mon père. Il est cité une fois dans un compte rendu très neutre d’une réunion de la Jeunesse agricole chrétienne (JAC). Il fut vice-président national de cet organisme et il m’a toujours dit que les aumôniers parisiens (des jésuites, je crois) mettaient les jeunes paysans en garde contre toute collaboration. Contrairement à d’autres, il savait, lui, ce qu’il arrivait aux
Juifs.
Roger ne s’est jamais affublé du qualificatif de résistant,
ce qui n’empêche pas que j’ai connu un de ses amis qui venait une fois l’an le voir après-guerre. Recherché
par la Gestapo lyonnaise, les réseaux cathos l’avaient envoyé, début 1944, à Avignon où il attérit dans le grenier de la ferme grand-paternelle.
Revenons aux Archives
6W art 18 (date non notée, mais probablement 1940) :
Bedoin. Un épicier dénonce X qui achète aux paysans
et est protégé par son cousin Y de la Préfecture.

3W16, 12 novembre 1940, lettre du sous-préfet de
Carpentras au préfet : « Plusieurs réunions politiques
auraient eu lieu à Bedoin au domicile du sieur Pleindoux Jean-Marie ».

3W17, 27 janvier 1941. rapport du commissaire de
police de Bollène : « la population saine, honnête,
manifeste son approbation à l’oeuvre du maréchal Pétain ». 
Cette « population saine » revient sous toutes les plumes de tous les collaborationnistes. Le commissaire de Sorgues, plus prudent ou plus honnête, écrit à la même date que la population ne souhaite pas la défaite de l’Angleterre.

Le 27 janvier, le rapport de la Trésorerie générale
signale la progression continue des bons du Trésor. À
la Caisse d’Épargne, les dépôts sont plus importants
que les retraits. Certains Vauclusien épargnent. En
fait, dans le Comtat, on en est à la 3e ou 4e génération
de maraîchers qui, grâce à un travail énorme engrange
de l’argent dont souvent il ne savent que faire.

23 juin 1941. Rapport du sous-préfet au préfet :
« À Sault, à Bedoin et dans tout le canton de Mormoiron, le refus d’y voir plus clair est plus persistant que dans le reste du département ». Si on relisait tout, il serait facile de faire une carte des communes qui « pensent bien » et de celles « où la population saine » n’a pas pris le dessus. Donc, honneur à Bedoin, Sault, Mormoiron qui pensent mal !

Septembre 1941 : le périodique Le Ventoux passe
aux mains du marquis des Isnards et devient maréchaliste.

Octobre 1941 : le sous préfet, aux champs :
« Au Barroux, je n’ai pas rencontré la même compréhension. Trop de militants des partis du Front populaire y pratiquent encore la culture du mécontentement ».

Janvier 1942, le sous préfet à Villes-sur-Auzon
C’est « une commune parmi les plus difficiles du département…Elle ne possède même pas une élite décidée à se dévouer à la cause du redressement national ».

À Malaucène et Entrechaux, on travaille dans l’harmonie (c’est ce que disent les rapports). Le sous-préfet, après une visite sur place, signale que... "dans les
milieux ruraux de Malaucène, on note une plus
grande compréhension des nécessités de l’heure."
Pourquoi ?

Ce n’est pas partout pareil. À Bedoin, toujours
selon les rapports, on est dans l’expectative. Sur environ
550 électeurs, 160 étaient socialistes ou communistes,
200 radicaux, 100 républicains modérés. Les socialistes et communistes « témoignent d’une grande incompréhension »…. « Seule une élite d’une
quarantaine de personnes accepte d’affirmer son
adhésion à l’oeuvre de Rénovation nationale…Beaucoup de communes sont à l’image de Bedoin. La
leçon de la défaite n’y est comprise que par une
infime minorité ».

24 février 1942, le sous préfet : « il n’y a d’opinion
publique que du ravitaillement ». C’est une
constante, le Vauclusien, celui des villes en priorité,
manque de nourriture.

Mars 1942, le préfet : Témoignage Chrétien circule
dans les milieux catholiques (mes parents étaient
abonnés, mais mes souvenirs datent de 1946). Ce
journal est très réticent vis-à-vis du maréchal. Dans le
Vaucluse, l’archevêque est fortement maréchaliste.
Le clergé suit. (voir prochaines livrées).



LE DIAPORAMA


Introuvable, le dur témoignage de Jean Geoffroy déporté à Buchenwald