Libération de Malaucène (11)

Replaçons Malaucène dans le contexte départemental et national

22 juin 1940 - Armistice.

10 juillet 1940 - Vote des pleins pouvoirs à Pétain. Dans le Vaucluse, seul Louis Gros, sénateur-maire d’Avignon votera contre.

30 juillet 1940 - Création des Chantiers de jeunesse.

29 août 1940 - Création de la Légion Française des Combattants chargée par Pétain de « répandre dans le pays les nouveaux principes de la Révolution nationale ».

30 octobre 1940 - Installation du statut spécial des Juifs.

1er août 1940 - Max Fisher, futur adjoint du colonel Beyne futur chef du Maquis Ventoux, arrive à Carpentras et prend déjà des contacts pour résister. Création du Maquis Ventoux  en 1942.

20 juin au 10 septembre 1940 - plus de 5 400 réfugiés arrivent en gare d’Avignon. Certains se retrouveront à Malaucène.

14 novembre 1940 - Les expulsés de Lorraine arrivent par la même voie. Plusieurs, comme l’abbé Krebs, entreront dans la Résistance.

13 janvier 1941 - La Préfecture demande aux instituteurs d’instaurer le salut aux couleurs tous les matins.

La censure est impitoyable. Pilote de guerre de Saint-Exupéry ne paraîtra pas en France.

21 juin 1941 - L’Allemagne déclare la guerre à l’URSS.

11 novembre 1942. Les Allemands arrivent à Avignon.

 30 janvier 1943 - Création de la Milice.

16 février 1943 - Loi sur le STO (Service du travail obligatoire qui fera prendre le Maquis à de nombreux jeunes).

5 avril 1943 - Premières arrestations de la Gestapo.

Août 1943 - Les effectifs de la Légion fondent par peur des représailles de la Résistance.

 Mai 1944 - Premiers bombardements des avions alliés, notamment sur l’aérodrome du Plan de Dieu.

27 mai 1944. Premiers bombardements sur Avignon. Ils vont se succéder à une cadence élevée. 625 tués, environ 1 000 blessés et 3 000 sinistrés.



Un peu plus de détails


SOUVENIRS 
DE LA LIBÉRATION DE MALAUCÈNE (XI)
Une pause et une synthèse provisoire

Lorsque l’on lit les délibérations d’avant-guerre du Conseil municipal, l’impression est forte que Malaucène sous la conduite de la municipalité Cornillac - ce maire est un ami de Daladier -  a le vent en poupe. Les nouvelles écoles sont là et des projets importants comme le réseau d’adduction d’eau et le tout-à-l’égout  sont très avancés. On pense même à construire une piscine et à acheter un terrain de sport.
La guerre stoppe tout. Nos dix premières feuilles nous ont le plus souvent fait part de témoignages individuels et nous posent une question : qu’en était-il des institutions  qui gèrent le village ?

Les institutions officielles
La mairie d’abord. 65 municipalités ont été dissoutes entre le 30 août 1940 et et le 9 octobre 1942. Motif évident : ces gens-là pensaient mal ! À Malaucène, il n’y aura pas de dissolution, le maire restera en place et il deviendra même Conseiller national de Vichy. Un fonction qui lui donne l’appui et le respect de la préfectorale. Il n’est pas une exception et ne sera pas le seul élu radical-socialiste à suivre la voix de Vichy. Par contre, la majorité des Malaucéniens n’a pas pris partie contre son maire. Et pour cause : d’abord, il était minotier et fournissait de la farine à ceux qui en voulaient. Le pain, en période de disette est sacré ! De plus, l’entretien avec un fils de communiste déjà publié ( Robert Liotaud) montre qu’il se servait de sa position pour protéger ses ouailles. Reste que nous aimerions bien savoir pourquoi des maires rad-soc ont décidé de s’engager aux côtés de Pétain. Ils ne sont, hélas, plus là pour nous répondre... Paix à leur âme.

L’église ensuite. Nous avons vu que l’archevêque était très maréchaliste. Il n’a pas voulu qu’on lise en chaire les lettres que certains de ses collègues ont publié pour s’élever contre le sort réservé aux Juifs. Et quand il a appris que l’abbé Krebs était un chef Résistant, il lui a donné deux heures pour déguerpir ! Signalons au passage que, dans son entourage immédiat, il y avait d’autres Résistants, notamment des prêtres et des croyants qui, dès 1940, distribueront une feuille de choux aux Avignonnais, les mêmes qui, un an ou deux plus tard, feront connaître Témoignage Chrétien, organe de presse ouvertement anti nazi et déjà Résistants. Il ne leur a pas demandé de déguerpir. Pourquoi ? Les voies du Seigneur sont impénétrables... mais la grande majorité des curés de village filait droit et suivait les directives de l’archevêque.

L’école enfin. Il y avait une école laïque et une école libre dans notre commune. La guerre scolaire existait donc et elle continuera après la Libération. Nous avons vu qu’il fallait hisser les couleurs le lundi matin et chanter en choeur « Maréchal, nous voilà ». Les instits récalcitrant étaient sévèrement punis comme l’institutrice de Saint-Léger qui fut copieusement tancée puis déplacée. Rémy Blanc, nous a parlé de la bande formée par les enfants des écoles et des habitants de la Lauze. Nous reparlerons de l’école au moment de la Libération.
Enfin, il existe à Malaucène une entreprise qui fait partie du paysage depuis des siècles. Il s’agit des Papeteries et nous sommes quasi persuadés que son directeur emblématique de l’époque, Richard Laderrière, a aussi fait tout ce qui était en son pouvoir pour que ses ouvriers ne partent pas au STO. Mais lui aussi n’est plus là pour nous en parler...

Les institutions moins officielles
Il s’agit des occupants et de leurs valets. Ils étaient quasi omniprésents et inspiraient une peur totale aux habitants qui s’élevaient contre leurs agissements. Aux autres aussi, d’ailleurs. Les dénonciations étaient fréquentes mais nous n’en avons pas trouvé de traces écrites aux Archives départementales concernant Malaucène. Hélas, ce n’est pas partout pareil. Et nous qui n’avons pas vécu cette époque en tant qu’adultes responsables nous devons nous rendre compte combien vivre quatre ans sous le joug d’une idéologie aussi barbare a dû être... invivable. Et nous poser LA question qui compte : qu’aurions-nous fait à la place de nos parents et grands parents ?

Les institutions pas officielles du tout mais qui vont le devenir
Il y a des citoyens qui ont répondu à la question posée ci-dessus. Ils ont décidé de résister. 
Nous avons évoqué un socialiste, des communistes (qui se réunissaient chez Henri Calot), des chrétiens (voir ci-contre) et nous n’avons pas encore parlé du groupe qui gravitait autour de l’Hôtel du Ventoux. Il y avait là des réunions de l’Armée secrète sous la conduite d’Abel Liotard. Le lieu était commode : il avait deux sorties, l’une officielle, l’autre, par derrière, plus cachée. Mais c’est une bien pauvre protection car, en cas de dénonciation, le traître n’aurait pas manqué de signaler la sortie sur la petite rue...
Il ne reste pas assez de place pour parler comme il se doit d’Abel Liotard et des siens et j’espère bien, un prochain jour, faire plus long en rencontrant l’un de ses proches.
Nous parlons-là des Résistants qui avaient une vie publique au vu et au su de tout le monde et qui vivaient donc chez eux. Il faut donc reparler de tous ces jeunes et moins jeunes qui courraient la campagne, par engagement certes ou parce qu’ils n’avaient pas voulu partir au STO, ou parce qu’ils étaient Juifs. L’hommage à celui qui se prénommait Pierre et se surnommait lui-même « Le Pauvre Degun » vous a fait comprendre qu’elles étaient leurs conditions de vie.

Enfin, il reste 80 à 90 % des habitants. Une minorité aidait les Résistants et une infime minorité avait opté pour soutenir l’occupant. Ce qui signifie qu’il y avait une majorité importante qui tentait de survivre, sans bruit, chacun dans son coin, en se débrouillant comme ils pouvaient, tout en essayant de s’entraider... quand c’était possible !