La Libération de Malaucène (13)

Julien Chauvin (1908-2001)


Ju (c’est ainsi que l’appelaient ses proches et amis) a connu une vie de travail très riche. Né au hameau des Alazards, à Beaumont-du-Ventoux, il a, tout jeune, fait partie des équipes de coupeurs de lavande sauvage qui couraient dans la montagne avec de lourdes trousses sur le dos. Puis, il travaille dans les carrières de pierre à l’occasion de la restauration du Théâtre antique de Vaison. Ceci terminé, nous le retrouvons à la Cave coopérative. Enfin, il est mobilisé en août 1939.


Dans l’après guerre, Ju va vite devenir un contremaître apprécié et respecté des Papeteries et, la retraite venue, un militant associatif recherché. Son action au sein d’Apprendre des Anciens est connue. Il était le guide rêvé pour les sorties botaniques qui rencontraient un fort succès populaire. Par contre, Ju, grand marcheur et chercheur de champignons passionné pratiquait cette activité en solitaire ! Il m’a dit manger plus de 50 variétés de champignons. Un autre petit record en quelques sorte.


Pendant la guerre, Ju est entré dans la Résistance. C’est son fils, René, qui m’a fourni les informations qui suivent. Un grand merci !

Jacques Galas

15 novembre 2014



Un peu plus de détails


SOUVENIRS 
DE LA LIBÉRATION DE MALAUCÈNE (XIII)
Un homme public mais discret

C’est d’abord pendant la « drôle de guerre » que Ju s’est illustré.Il est affecté au 7ème bataillon de mitrailleurs de la 8ème Armée d’Alsace. Il devient sergent-chef en décembre 1939 et va se distinguer au combat et il sera cité à l’ordre du Régiment.
Le 27 juin 1940, devant l’avancée allemande, son capitaine donne l’ordre à ses soldats de fuir plutôt que d’être faits prisonniers. Il va ainsi traverser à pieds 300 kilomètres de lignes ennemies. La jeunesse de Ju l’a conduit à être un excellent marcheur, mais quand il arrive chez lui, le 12 juillet, après 15 jours de galères, sa fille Pierrette, ne le reconnaît pas tellement la fatigue l’a marqué.

Après un court passage par Monteux (il fut aussi camionneur), il se retrouve au Quartier de Charombeau où le travail ne manque pas chez ses beaux-parents Roux et chez Tabardon. Mais nous ne savons rien sur une éventuelle activité de Résistant. Ju est un homme secret et il n’a livré que peu de choses à ses enfants. Ce sont les papiers officiels retrouvés qui permettent une reconstitution de son parcours .Mais  Charombeau est situé en haut du Plan de Laval, un lieu où les Résistants avaient coutume de passer et il a certainement eu des contacts avec eux.

L’engagement dans la Résistance
On le trouve au Maquis le 1er juin 1944. Des différents documents qu’il a conservés, nous en déduisons :
- qu’il instruit les jeunes recrues et transporte des armes  ;
- qu’il organise à Sault, la 2ème compagnie du Maquis Ventoux avec le capitaine Marin;
- qu’il est de ceux qui ravitaillent des barrages sur les routes d’Apt et de Méthamis à Sault en collaboration avec l’adjudant-chef Pantaly avec qui il a un lien de parenté;
-qu’il participe aux combats de la libération du territoire des 20 et 22 août 1944;
Le colonel Beyne le nommera adjudant-chef, le 15 août 1944.
Ju ne disait rien, mais il conservait les papiers et nous en savons finalement plus sur lui que sur d’autres pour qui nous n’avons que la mémoire populaire pour nous renseigner.
Il est à peu près certain que Ju était présent lors de l’embuscade du tunnel sous Le Barroux. Lorsque l’on parle de ces événements, il répond : ceux qui n’étaient pas là n’ont qu’à se taire. Certainement pour montrer les difficultés qu’il y a à prendre des décisions rapides dans le feu de l’action quand ta vie est en jeu.

Un capitaine près de ses troupes
Le cas de ce capitaine de 1940 est particulièrement intéressant. Il donne l’ordre à ses soldats de ne pas se laisser faire prisonnier tout en leur demandant de rester ensuite en liaison avec lui. Et Ju, une fois rentré au bercail, a dû lui écrire pour lui conter son aventure, ce qu’ont certainement fait d’autres «évadés» avant l’heure. Le capitaine, certainement aimé de ses troupes, en fera une synthèse qui risque d’exister quelque part dans les Archives de l’armée.
Le 19 octobre 1940, ce capitaine est à Montbrison, dans la Loire (à 120 km de Vichy). Il envoie une lettre circulaire aux soldats dont il a les coordonnées.
Dès le départ, il donne le ton en écrivant « Mon cher camarade ». 
Pas de lien de subordination. Mais il rappelle son propre passé d’ancien de la Grande guerre. Il les félicite pour leur courage au combat, et il rajoute :
Que cette leçon vous serve maintenant. Vous y    avez gagné les honneurs militaires, la fierté d’avoir fait votre devoir et la liberté. Il faut aujourd’hui que vous travailliez pour la France future et que vous soyez prêt à la servir sous la forme que le Grand Chef Pétain vous demandera.
Tout est dit et dénote l’état d’esprit de 1940. Rien ne dit d’ailleurs que ce bon capitaine ne soit pas passé dans les rangs de la Résistance ensuite. Si l’un de mes lecteurs trouve une suite à l’histoire du capitaine Genton, René Chauvin et moi-même serons heureux de la connaître.

Après la guerre
Après la dissolution du bureau FFI, Ju sera muté au Service du matériel de la subdivision d’Avignon le 1er juillet 1945. Il devient chef de bureau des réquisitions des pneumatiques et récupération des véhicules automobiles. On sait par ailleurs qu’il a été chargé d’indemniser les particuliers qui avaient aidé les Résistants. Il sera démobilisé le 1er avril 1946.

Décoré de la Croix du Combattant volontaire de la guerre 1939-45, il continuera à suivre de très près les activités des Anciens combattants. Après en avoir assumé le secrétariat, il deviendra Président de la section Malaucénienne et il ne manquera jamais les assemblées générales et les diverses activités de cette association, notamment la commémoration de Sault, le 15 août.



LE DIAPORAMA


Julien Chauvin